Nettoyer le portefeuille clients avant de céder son cabinet de courtage
Au moment de vendre un cabinet de courtage en assurances, le portefeuille clients sera scruté de près. Quels sont les défauts qui peuvent rebuter les acquéreurs, et faire baisser le prix de cession ? Comment le nettoyer au préalable ?
Anticipation obligatoire
Dans la perspective de l’achat d’un cabinet de courtage en assurances, les repreneurs potentiels vont s’intéresser bien sûr au chiffre d’affaires global, mais aussi à la qualité du portefeuille vendu. Un turn-over élevé, trop d’incidents de paiement, une proportion de sinistres supérieure à la moyenne, ou encore une rentabilité moyenne par contrat trop faible : autant de signaux d’alarme pour un repreneur qui sera en conséquence enclin à négocier à la baisse le prix de cession demandé…
Comment faire ? Comme souvent, le premier principe est d’anticiper. La question du « nettoyage » du portefeuille de clients ne doit pas se poser juste avant l’enclenchement du processus de cession. Cela sera probablement trop tard ! « Il faut s’en préoccuper entre 18 et 24 mois en amont, de manière à afficher la meilleure rentabilité possible », recommande Julien Houssemand, chargé d’affaires chez l’intermédiaire spécialisé Haussmann Fusac. De fait, les cabinets de courtage en assurance qui affichent de bonnes rentabilités se vendent plus vite et sont mieux valorisés.
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4 dimensions pour analyser son portefeuille
1. Analysez le poids de chaque client dans le total des commissions perçues
Un portefeuille doit être le plus équilibré possible. « Si un client pèse 20 à 30 % du chiffre d’affaires, il y a clairement un risque, qu’un repreneur éventuel identifiera d’emblée. Il négociera à la baisse la valorisation, ou bien exigera un paiement différé, après avoir vérifié que ces clients ne fuient pas vers la concurrence après la cession », avertit le spécialiste. Mais il n’est évidemment pas question de rompre les relations avec le ou les clients les plus importants !
Une première approche peut consister à engager des efforts commerciaux et marketing afin de conquérir de nouveaux clients, de manière à réduire automatiquement le poids des plus importants. Ou encore pour multi-équiper les clients déjà en portefeuille, afin de rééquilibrer les masses. Dans les deux cas, elle demande du temps, des ressources, et l’énergie nécessaire.
Autre approche recommandée : renforcer les liens avec ses clients stratégiques. Pourquoi vous ont-ils accordé leur confiance ? Comment sont-ils devenus, et demeurés, clients ? Qu’est-ce qui peut les inciter à rester fidèles au cabinet une fois celui-ci vendu ? Y-a-t-il une relation intuitu personae entre le client et le courtier ? Toutes ces dimensions méritent d’être analysées : elles donnent les clés de succès peut-être reproductibles à court terme.
2. Mesurez la volatilité des assurés
Un portefeuille d’assurés bien garni c’est bien, encore faut-il que son taux de rotation ne soit pas trop élevé. Dans certains segments, en particulier les assurances obligatoires (habitation, automobile…), la volatilité des clients, très sensibles aux prix et aux promotions, ou parmi les jeunes générations, peut être significative. C’est moins le cas pour les clientèles d’entreprises - la raison pour laquelle leur valorisation est généralement supérieure lors des cessions de cabinets de courtage en assurances.
Dans la perspective d’une vente, une trop forte volatilité doit être réduite, par exemple en agissant en amont pour éviter d’on-boarder des clients à forte présomption d’infidélité. « Il est toujours possible de mieux sélectionner les clients à l’entrée, mais il est préférable que les règles soient claires », recommande Julien Houssemand.
3. Analysez l’évolution du rapport sinistres à primes
L’indicateur phare du secteur de l’assurance, le rapport S/P (sinistres à primes) est révélateur de la qualité d’un portefeuille de clients. Trop élevé, c’est le signe d’une situation qui peut devenir non maîtrisable. Cependant cet indicateur doit être considéré dans la durée : une brusque dégradation du S/P doit d’abord amener à en identifier les causes… ce qui n’est pas forcément évident.
Il faudra savoir en expliquer l’évolution au futur repreneur, mais l’idéal reste évidemment d’être parvenu à limiter les risques par une bonne sélection des clients. Cet indicateur n’est pas toujours facile d’accès, surtout si le courtier ne gère pas directement les dossiers de sinistres. Il faut alors se tourner vers l’assureur pour obtenir les bonnes informations.
L’objectif reste de mettre en évidence les dossiers qui ne contribuent pas de manière significative à la rentabilité du cabinet. Cela peut inclure les clients avec de faibles primes, une fréquence élevée de réclamations, des besoins de service élevés sans primes à la hauteur, etc.
4. Etudiez la pyramide des âges de vos clients
L’âge des souscripteurs peut également compter dans la présentation d’un portefeuille. « Un acheteur potentiel du cabinet, qui cherche à se spécialiser, par exemple sur l’assurance-vie, pourra mieux se projeter sur la base d’une clientèle jeune et active, dont il estime facilement le potentiel, qu’avec une clientèle âgée, dont les perspectives sont moins claires, et le besoin de service beaucoup plus chronophage », note Julien Houssemand. On peut en déduire des indicateurs tels que la rentabilité moyenne par tranche d’âge des souscripteurs, le potentiel de développement, la probabilité de défaillances, etc.
Plan d’action pour mettre en vente un portefeuille attractif
Lorsque l’état des lieux donne une image précise de la situation, il reste à engager un plan d’actions :
Gérer les échéances des contrats
La meilleure occasion pour un courtier de se séparer d’un client est l’échéance des contrats. Cela peut se faire en les transférant à d'autres cabinets, si c’est possible, ou en leur recommandant des alternatives. Ou en ajustant les tarifs si on a l’autonomie pour le faire.
Traitez les mauvais payeurs le plus en amont possible
Les clients qui ne paient pas, mal ou trop tard, engendrent des coûts qui peuvent devenir prohibitifs. Ils dégradent l’image du courtier vis-à-vis des compagnies d’assurances. Ils sont faciles à repérer par un acheteur qui voudrait racheter la clientèle. Bref, les mauvais payeurs en série sont à sortir au plus tôt du portefeuille.
Envisagez de séparer vos activités
Si un cabinet de courtage génère 90% de son activité sur un cœur de métier, par exemple l’assurance de personnes, et 10% avec ses clients historiques dans l’assurance automobile, cette deuxième activité peut tout à fait être vendue à part, si les deux clientèles sont entièrement distinctes. « Cela rend un portefeuille de clients plus clair et plus attrayant, et on maximise ainsi la valeur des deux activités », estime t-on chez Haussmann-Fusac.
La cession d’un cabinet de courtage : une stratégie globale
L’optimisation d’un portefeuille clients doit s’inscrire dans une stratégie globale : « Lors d’une vente il y a aussi un enjeu de bilan : si le portefeuille est très propre mais que le cabinet est très endetté, avec des frais généraux importants, la vente sera toujours plus difficile. L’optique d’une vente à deux ou trois ans présente les mêmes objectifs que tout cabinet bien géré : un portefeuille rentable et résilient, des perspectives de développement, du personnel qualifié. La meilleure façon de s’en convaincre est de se poser régulièrement la question : « Est-ce que j’achèterais mon propre cabinet ? ».
La précipitation n’est jamais de mise : « Nous ne sommes pas des magiciens, l’anticipation est le meilleur gage de la réussite d’une transmission. Et l’optimisation du portefeuille demande de la part des courtiers, une vigilance constante », conclut Julien Houssemand.