Valorisation des CGP : la logique financière est de retour
Combien vaut vraiment un cabinet de conseil en gestion de patrimoine aujourd’hui ? Après deux ans où la concurrence entre acheteurs avait pris le pas sur la rationalité économique, le moment est déjà venu d’un retour aux réalités. Le point de vue d’Haussmann Fusac.
Les valorisations des CGP s’étaient envolées
« Le métier de CGP a toujours été bien valorisé : leur clientèle est fidèle, et leur rentabilité souvent excellente. Mais quand, dès après le Covid, différents fonds d’investissement bien capitalisés ont accéléré leurs investissements dans la profession, le niveau des transactions est parti à la hausse, jusqu’à parfois atteindre des sommets », résume Julien Houssemand, chargé d’affaires au cabinet de conseil en cession Haussmann Fusac.
Les raisons structurelles de l’attractivité des CGP
Oui, le métier de conseil en gestion de patrimoine possède bien des atouts qui le rendent attractif :
- Un accès encore assez ouvert à la profession,
- La visibilité sur les affaires grâce à la fidélité naturelle de la clientèle – penser à l’assurance-vie par exemple,
- Une très forte marge, et les capacités de dégager le cash-flow qui va avec (souvent, 60 % et plus du chiffre d’affaires).
S’y ajoutent, pour un acheteur, d’autres sources d’intérêt :
- Possibilités d’économies d’échelle. « Pour gérer 100 K€ d’honoraires et commissions, il n’y a pas forcément besoin d’un ETP. La charge de travail peut être redistribuée, y compris celle des associés actuels ».
- Opportunités d’automatisation. La profession est encore en cours d’équipement, et tous ses acteurs n’ont pas encore effectué leur transition numérique. Des solutions packagées existent en SaaS et se répandent rapidement, notamment pour gérer les dimensions réglementaires et la conformité. Une croissance externe apporte là aussi des économies d’échelle, en permettant de répartir les coûts internes de l’informatique, ou d’accéder à de nouveaux outils d’aide à la décision, avec gains de productivité à suivre.
Tous ces éléments sont bien connus et permettaient, déjà en 2019, d’espérer une valorisation sur la base d’un multiple de 3 à 3,5 du volume annuel d’honoraires récurrents, éventuellement retraité de la rémunération des associés. Ce qui s’avérait plutôt confortable par rapport à d’autres professions réglementées.
Les raisons conjoncturelles de la course aux rachats
C’est au sortir du Covid que les prix de cession des cabinets de conseil en gestion de patrimoine se sont mis à grimper. Et pour cause : les fonds d’investissement, qui disposaient de beaucoup de cash inutilisé au cours de la période précédente, avaient décidé d’investir massivement dans cette activité.
Leur méthode est bien connue : racheter des cabinets, les consolider, prendre des parts de marché, réaliser des économies d’échelle… et revendre le tout un certain nombre d’années plus tard.
Ces grands « serial acheteurs » ont industrialisé leurs pratiques. « Les grands acteurs, qui ne s’intéressaient pas jusqu’alors aux petits cabinets (10 M€ d’encours et 60 K€ d’honoraires, par exemple), se sont organisés pour boucler une transaction en deux rendez-vous, se souvient Julien Houssemand.
Mais beaucoup d’entre eux ont suivi la même logique en même temps. « Au lieu de 3 ou 4 acheteurs, il y en avait 10 par dossier ! ». Résultat : une logique d’enchères s’est rapidement mise en place. « De 3,5, le multiple appliqué au total des honoraires annuels est passé à 3,9, puis 4, puis 4,5… J’ai même assisté à plusieurs transactions à x5 et au-delà ! ». Dans une profession qui ne compte que quelques milliers de membres, le bruit s’est vite répandu, et même les vendeurs plus raisonnables ont pu penser se trouver à la tête d’une mine d’or…
Si Julien Houssemand se réjouit pour ceux qui ont pu profiter de la situation, pour lui elle ne pouvait pas durer. « On n’achète pas impunément un cabinet de CGP pour 2 ou 3 fois sa valeur économique. Le professionnel conseillerait-il à ses clients un tel investissement ? Ou encore, lui-même en ferait-il l’acquisition à ce prix-là ? Assurément non. Il sait bien que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ». Après cette parenthèse inflationniste due à l’âpreté de la concurrence entre acheteurs, le temps semble venu d’un retour aux réalités.
La fête est finie, mais les prix restent soutenus
En tant que spécialiste des fusions-acquisitions entre CGP, Julien Houssemand avoue ne pas avoir été toujours à l’aise avec une situation aussi paradoxale. « Tout le monde savait que les coefficients qui ont pu être atteints étaient surévalués par rapport à la logique économique. Or notre métier d’intermédiaire consiste d’abord à conseiller loyalement, sans exagération, pour assurer la pérennité des affaires et le respect tant des clients que des employés. Que deviendront-ils une fois la bulle conjoncturelle dissipée ? Nous ne pouvons pas défendre ce à quoi nous ne croyons pas ».
Et de fait, la situation est en train de changer, dans le sens d’un retour à la normale. Selon le spécialiste, beaucoup d’opérations se réalisent actuellement sur la base d’un coefficient compris entre 3 et 4. Pour un cabinet cochant toutes les (bonnes) cases, celui-ci monte aujourd’hui jusqu’à 4, voire 4,5 au grand maximum pour les cabinets de moins de 100 M€ d’encours. La brutalité de la hausse des taux… et peut-être une prise de recul sur les excès passés, font évoluer la stratégie des fonds d’investissement vers une approche plus classique. En outre, les banques n’hésitent plus à se prononcer sur le prix d’acquisition, et à bloquer l’opération si elles estiment son montant excessif – même si leur client dispose des capitaux nécessaires. Enfin, les grands acteurs nationaux concentrent désormais leur croissance externe sur le rachat de CGP qui gèrent au moins 100 M€, avec un dirigeant décidé à rester dans la structure.
Pour autant la demande reste élevée. Explication : les opérations s’étaient centralisées autour des plus grands acteurs, qui n’avaient pas besoin de prêts bancaires. De ce fait les acheteurs plus modestes étaient lésés, y compris pour le rachat de petits cabinets. Là-aussi la situation change : « Une fois les fonds revenus aux fondamentaux, des acheteurs de plus petite tailles, qui n’avaient pas les moyens de la surenchère précédente, se positionnent sur des portefeuilles moyens - à des prix plus accessibles, et donc avec un cash-back plus court ». La porte ouverte à de nouveaux rapprochements.
Autant d’éléments pour expliquer un retour progressif à la rationalité économique, à laquelle s’ajoute une montée des exigences des acheteurs, dont une analyse plus fine du portefeuille au moment de valoriser le cabinet.
Obtenir une valorisation plus précise de son portefeuille
D’après le spécialiste, le bon atterrissage se situe autour d’un coefficient multiplicateur du CA récurrent compris entre 3,5 et 4, sauf cas exceptionnels. Ce qui correspond à un multiple de l’Ebitda entre 5 et 7, et de 6 en moyenne, pour les cabinets dont le CA est supérieur à 500 K€.
« Ces chiffres demandent à être affinés, en fonction avant tout de la composition du portefeuille du CGP. Tous les acheteurs ne s’intéresseront pas à tous les clients ». Mais certains de ces derniers sont plus recherchés que d’autres ! Ainsi par exemple :
- Un portefeuille composé d’actifs (cadres, dirigeants, libéraux) est actuellement facilement rémunéré 4 ou 4,5 x son CA HT ;
- Tandis qu’un portefeuille plus âgé, désengagé des marchés actions, et qui n’est plus guère optimisable, sera affecté d’un coefficient autour de 3 ;
- etc.
Pour savoir combien vaut vraiment votre cabinet de conseil en gestion de patrimoine au moment où vous voulez le vendre, vous aurez besoin d’un spécialiste. Haussmann Fusac est en mesure de croiser l’analyse théorique de votre portefeuille avec la tendance réelle du marché. Il connaît tous les acheteurs déclarés, les grands et les moins grands, leurs objectifs et leurs pratiques de croissance externe. De quoi envisager une transaction réussie pour tous.
Lire aussi : Comment déterminer la valeur d’un cabinet de CGP ?
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