Les petits courtiers ont-ils encore un avenir ?

Les petits courtiers en assurances ont-ils encore un avenir ? Comment réagir face aux défis de la profession ? Comment donner de la valeur à son cabinet ? Les conseils d’un spécialiste.

Homme d'affaires assis, pensif, regardant son reflet dans un miroir, sur fond bleu uni.

Courtier, un métier toujours attractif

La France compte aujourd’hui près de 27 000 cabinets de courtage en assurances. Près de 90 % d’entre eux emploient moins de onze salariés, la moyenne se situant entre 2 et 6 salariés, selon une étude du Crédit Agricole. Aux côtés de quelques grands acteurs, une multitude de petits cabinets (moins de cinq salariés), voire très petits (un tiers des courtiers travaillent seuls), qui se battent chaque jour pour conserver ou développer leur parts de marché.

Bien que le nombre de courtiers ait progressé lentement ces dernières années, la profession continue d’attirer de nouveaux entrants : en 2023, l’Orias a enregistré pas moins de 2455 nouvelles inscriptions. « Cette relative accessibilité au métier de courtier, qui n’est pas une profession fermée, combinée à la possibilité de générer des revenus récurrents avec des clients fidélisés, en fait une activité séduisante », explique Julien Houssemand, associé chez l’intermédiaire spécialisé Haussmann Fusac.

Mais sur un marché de l’assurance très mature, où les relais de croissance se font rares, y aura-t-il assez de place pour tout le monde ?

Trois défis à relever

Les défis sont les mêmes pour tous les professionnels de l’assurance. Mais les petits courtiers ne disposent pas forcément, à eux-seuls, des moyens d’y faire face.

• Défi #1 : S’adapter à l’évolution des réglementations

Le Code des Assurances compte à lui seul 2480 pages… et d’innombrables évolutions réglementaires, dans la volonté d’instaurer plus de transparence dans les rapports entre professionnels et assurés. Qu’il s’agisse de l’assurance dommages, de la protection sociale, de l’assurance emprunteur, voire des assurances contre les risques numériques des PME, il faut suivre… et il n’est pas facile de rester dans les clous. La conformité réglementaire constitue pourtant un point très important si l’on veut céder son cabinet.

• Défi #2 : De nouveaux acteurs très offensifs

La concurrence s’est durcie avec l’arrivée des « assurtech », qui misent sur le digital pour proposer de nouveaux services. Ainsi, par exemple, le nombre de courtiers en ligne a augmenté de 10% en 2021 par rapport à 2020. Ces nouveaux acteurs sont décrits comme « très offensifs » par le cabinet Xerfi : « Les néo-courtiers, qui fondent leur modèle sur le digital et l’innovation technologique, sont en plein essor. »

« Les courtiers en ligne peuvent plus facilement externaliser le back office et le support. Cette maîtrise des coûts leur permet de consacrer davantage de budget en marketing pour acquérir des nouveaux clients, y compris ceux qui ne sont pas satisfaits de leur courtier traditionnel », résume Julien Houssemand. Et aussi de casser les prix quitte à rogner sur leur marge, accentuant ainsi la pression tarifaire.

• Défi #3 : La digitalisation : indispensable… mais complexe à mettre en œuvre

Il n’y a plus de doute pour personne : la technologie accélère le traitement des dossiers, facilite l’analyse des données des clients, et permet de leur proposer des offres bien adaptées, voire sur mesure. Selon l’étude Xerfi sur le courtage en assurances, «  les outils numériques et l'intelligence artificielle donnent l'opportunité d'améliorer l'efficacité opérationnelle et l'expérience utilisateur. De l'automatisation des tâches à la modélisation des risques ou aux dispositifs de prévention intelligents, cette transition technologique redéfinit les standards du métier. Mais elle exige des investissements importants susceptibles d'accentuer les écarts entre acteurs ».

Dans ce domaine, les courtiers manquent encore de maturité : « Beaucoup n’ont pas encore conduit leur transformation digitale, et ne disposent ni d’un CRM performant ni d’un suivi précis des clients », déplore le spécialiste. A la décharge des courtiers, le numérique reste une problématique difficile à appréhender : un cabinet qui travaille avec plusieurs compagnies d’assurance, pour proposer un panel d’offres complet, devra gérer autant de codes et se connecter à autant d’extranets spécifiques et d’API (Application Programming Interface). Cela peut faire peur…

L’avenir des courtiers en assurance ? Il sera hybride !

Il poursuit : « Les courtiers, particulièrement les plus petits, qui ne changent pas leurs manières de travailler vont disparaître ou se faire absorber. Car, plus que jamais, il faut avoir les reins solides, la capacité de proposer des services pertinents, à un bon prix, être conforme à toutes les réglementations, disposer de processus digitaux efficaces et d’un suivi client optimal ». Ce qui ne serait pas donné à tout le monde…

Pour autant, les courtiers peuvent rester optimistes. Ils ont bien un avenir, à condition de respecter trois principes :

  • S’adapter aux besoins des clients,
  • Anticiper la cession de leur activité,
  • Se faire accompagner.

S’adapter aux besoins des clients… encore et toujours

Le profil et les besoins en assurance des clients évoluent. « Les plus jeunes générations privilégient l’autonomie dans la gestion de leurs assurances, d’où le succès des courtiers en ligne », observe ainsi Julien Houssemand.

Les habitudes de consommation ont changé – aussi - en matière d’assurances. L’étude du Crédit agricole rappelle que « Les consommateurs s’attendent à des produits d’assurance personnalisés et à des tarifs compétitifs. Ils privilégient également les services de courtage avec une assistance complète et une gestion simplifiée des sinistres. Ils sont plus enclins à changer de fournisseur d’assurance (29 %) que d’établissement bancaire (20 %). » En outre, plus de 70 % des consommateurs attendent des réductions tarifaires de la part de leur assureur, et 32 % souhaiteraient être récompensés pour leur fidélité par des avantages tarifaires (« cash back » ou remboursement partiel de leur cotisation).

« Plus les courtiers réussiront à automatiser et organiser des processus clairs et structurés, même si cela n’est pas aussi poussé que chez les néo-courtiers, plus ils auront le temps d’acquérir une vraie connaissance client et de renforcer leur proximité et le contact humain ».

Anticiper la cession du cabinet : la règle du « un an glissant »

La seule certitude, c’est que tous les cabinets de courtage en assurance d’aujourd’hui seront vendus un jour ! Le temps poussera inexorablement leurs dirigeants vers la retraite, mais ils peuvent aussi avoir envie de se consacrer à d’autres activités, ou être empêchés pour raisons de santé, par exemple.

L’erreur à ne pas commettre si on pense céder son activité dans un délai de 3 à 5 ans ? Se contenter de stabiliser l’activité existante en l’état, charge au repreneur de moderniser le cabinet. « J’ai l’exemple d’un très petit courtier qui n’a rien digitalisé, ne dispose pas de CRM et qui pilote son activité à partir des bordereaux de commissions envoyés par les assureurs. Résultat : au moment de la vente, nous avons rencontré d’énormes difficultés pour identifier et ventiler correctement les sources de revenus, entre les clients professionnels, les particuliers et les catégories de produits. La valorisation est donc approximative et en faveur de l’acheteur… C’est dommage pour le vendeur, qui aurait pu céder son cabinet à un meilleur prix », raconte Julien Houssemand.

Lire aussi : 10 erreurs à ne pas commettre quand on vend son cabinet

Il suggère d’adopter le principe « d’un an glissant ». Concrètement, il s’agit de se fixer un horizon de douze mois pour moderniser le cabinet, avec un plan d’action. « Si à l’échéance tout n’est pas réalisé, on recommence pour une durée d’un an. Et ainsi de suite jusqu’à atteindre la totalité des objectifs… Cette approche a le mérite de privilégier l’amélioration continue et de lever les réticences des courtiers face à l’ampleur de la tâche : on progresse petit à petit et la charge est mieux absorbée ».

Le bon réflexe : se faire accompagner en amont pour bien préparer la vente de son cabinet

La plupart des courtiers sont conscients de la nécessité de se transformer et d’agir en conséquence, y compris dans la perspective de vendre à court ou moyen terme. Ce défi exige un effort réel, et il connaît forcément des phases de crainte ou de découragement. D’où l’intérêt de se faire accompagner par Haussmann Fusac : « Nous proposons un plan d’action, une hiérarchisation des tâches à effectuer, des changements à opérer, dans le cadre d’un cahier des charges et avec un rétro-planning précis », résume Julien Houssemand.

De quoi aborder sereinement l’avenir, et maximiser la valorisation de son cabinet !