Les 10 variables de valorisation d’un cabinet de courtage

Lors de sa cession, la valorisation d'un cabinet de courtage en assurances s’appuie sur l'analyse de différents facteurs clés, qui permettent à l'acheteur d'évaluer la pérennité, la qualité et le potentiel de croissance du portefeuille et de la structure. Ces indicateurs sont au nombre de 10 ; les améliorer en prévision de la vente sera essentiel pour séduire les acquéreurs potentiels et optimiser la valorisation du cabinet.

1. La récurrence et la nature des revenus

Deux professionnels analysent des graphiques de données financières sur un écran d'ordinateur portable.

C'est un indicateur essentiel pour évaluer la stabilité du business model d’un cabinet, dans la mesure où la nature des commissions perçues a un impact direct sur sa valorisation. Un chiffre d’affaires prévisible dans le temps, parce que les commissions génèrent des flux réguliers et stables, ont plus de valeur que les revenus liés aux frais de courtage ou de dossiers – qui eux ne sont pas récurrents et plus volatils.

De même, le modèle de précompte, lorsque les assureurs versent à l’avance plusieurs mois (souvent 12 à 18 mois) de commissions, est moins valorisé. En effet, le risque est qu’en cas de résiliation du contrat par le client, le courtier doit rembourser l'avance perçue – qui constitue une dette. « Avec le précompte, le revenu du cabinet est temporairement gonflé, mais la structure des bénéfices futurs demeure incertaine, et nécessite de constamment acquérir de nouveaux clients pour limiter le risque de baisse de chiffre d’affaires », souligne Julien Houssemand, associé chez l’intermédiaire spécialisé Haussmann Fusac.

2. La typologie des clients

Les acquéreurs vont porter leur attention sur les caractéristiques des clients. Leur typologie influence fortement la volatilité des revenus. La clientèle Entreprises (et leurs dirigeants), génère des montants de primes plus importants, et sa fidélité à son courtier est généralement élevée. Pour sa part, la clientèle de particuliers se révèle plus volatile et plus prompte à changer de contrat pour obtenir un prix plus bas. « L'idéal est d’avoir une forte proportion d'entreprises dans le portefeuille de clients », recommande l’expert.

3. La concentration du chiffre d'affaires

Il s'agit d'évaluer le risque de dépendance du cabinet à l’égard de ses clients. Lorsqu’une faible proportion de clients (voire un seul chez certains petits courtiers) génère l’essentiel des revenus, le risque est d’autant plus élevé si ces clients quittent le cabinet pour se tourner vers la concurrence. Une atomicité de clients est donc préférable. Quand aucun d’entre eux ne représente une part trop importante du chiffre d'affaires (idéalement moins de 1% du CA par client), un départ n’aura qu’un faible impact. En revanche, « si un ou quelques clients représentent une part significative (parfois jusqu'à 60-70%) du revenu, le cabinet est considéré comme fragile et sa valorisation s'en trouve pénalisée », prévient Julien Houssemand.

4. La clarté et la lisibilité des données

La qualité des processus est également à considérer pour la valorisation. L’acquéreur va s’attacher à la clarté de la documentation et des éléments comptables et financiers, par exemple avec la présentation des trois derniers bilans, l’absence de postes de charges « fourre-tout », l’identification et la transparence des rémunérations des dirigeants, etc.. De même, l’existence d’un outil de CRM pour la gestion client constitue un atout majeur. Il doit permettre de retrouver facilement et de manière fiable les données clés des clients (ancienneté, primes, localisation, contrats, etc.). « Il faut veiller à la qualité de l’outil et de son utilisation : un CRM mal tenu peut être pire que l'absence de système », avertit le spécialiste.

5. La qualité de l’ingénierie financière

Une bonne gestion financière et un contrôle de gestion précis dénote une bonne maîtrise du pilotage. On peut par exemple s’intéresser au taux d’impayés : avoir des clients qui règlent leurs cotisations dans les délais est le signe d’une bonne gestion, et de relations saines avec la clientèle. A l’inverse, un taux d'impayés élevé, nécessitant des relances fréquentes, est perçu comme un facteur de risque, qui génère en plus une charge de travail élevée.

6. Le ratio sinistres sur primes (S/P)

Le ratio sinistres sur primes est l’indicateur-clé du niveau de risques auquel le cabinet est exposé. C’est également un indicateur de la rentabilité des clients pour les assureurs. Un ratio S/P bas signifie que le portefeuille est rentable pour les compagnies d'assurance. Lorsque le ratio est élevé, les sinistres sont coûteux : cela conduira, à terme, à une augmentation des cotisations et, potentiellement, à un risque de fuite des clients vers des offres moins chères. « Ce ratio doit s’analyser sur plusieurs années, afin de s’assurer qu’un niveau trop élevé ou très faible n’est pas une simple anomalie conjoncturelle », précise Julien Houssemand.

7. La structure du portefeuille selon les types de contrats

La nature des risques gérés impacte la charge opérationnelle et la rentabilité. Les assurances de personnes (santé, prévoyance) sont souvent considérées comme plus rentables, car elles impliquent principalement du remboursement par des tiers (Sécurité sociale, mutuelles). En revanche, les assurances de biens (IARD) nécessitent une gestion des sinistres plus complexe et chronophage (expertises, suivi de dossiers), qui pèse sur la rentabilité opérationnelle.

8. La nature des partenariats Assureurs (codes compagnies)

Dans le processus d’acquisition, la détention de codes compagnies reconnus et difficiles à obtenir (en particulier pour les nouveaux courtiers) a une valeur. Il est donc préférable de travailler avec un nombre raisonnable de partenaires (par exemple, entre 10 et 20), plutôt qu’avec un nombre important d’assureurs : cela simplifie la gestion et la reprise du portefeuille. « Il faut conserver un équilibre avec un nombre suffisant de contrats par code », conseille Julien Houssemand.

9. Le taux d'équipement des clients

Pour anticiper l’activité à moyen et long terme, il faut s’intéresser au nombre moyen de contrats détenus par chaque client. Si les clients sont multi-équipés, le portefeuille est relativement sécurisé. Les clients sont plus engagés (c’est plus compliqué de partir à la concurrence, davantage de démarches à effectuer pour partir) et la rentabilité par client est significative. « Revers de la médaille : le potentiel de développement par client est plus faible, car ils sont déjà bien équipés ».

Pour des clients mono-équipés, le portefeuille offre un fort potentiel de croissance ; c’est un levier pour le courtier qui peut ainsi proposer la souscription d’autres contrats. Toutefois, le portefeuille est moins sécurisé, avec un revenu par client plus faible.

10. La conformité réglementaire : auditer les dossiers clients

La conformité constitue un facteur de risque majeur, et sa bonne organisation est un gage d'efficacité. Ce point sera regardé de près par l’acquéreur potentiel. La vérification, à défaut d’être exhaustive sur l’ensemble du portefeuille, s’effectue par un audit aléatoire des dossiers clients. L’acquéreur s'assure ainsi que les pièces obligatoires (fiche de recueil des besoins, CNI, propositions de contrats…) et les procédures (par exemple les dispositions obligatoires contre le blanchiment de capitaux) sont respectées. Un bon taux de conformité rassure l’acquéreur et évite de futurs problèmes légaux ou des sanctions. En parallèle, une numérisation de tous ces éléments constitue un plus : « La présence d'une GED (Gestion Électronique des Documents), la digitalisation complète des dossiers, facilitent grandement la reprise, l'accès et l'exploitation des informations du portefeuille client », conclut Julien Houssemand.

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