Les courtiers en assurances et les conseillers en gestion de patrimoine ne peuvent échapper à l’inflation des réglementations qui structurent leurs activités. Ce poids de plus en plus lourd des normes et obligations a un coût, en ressources et en temps. Mais pourquoi ne pas considérer la conformité comme un investissement et un levier privilégié de valorisation dans la perspective d’une cession ?
Une inflation normative de plus en plus contraignante
Comme pour la plupart des professions réglementées, les courtiers en assurances et les conseillers en gestion de patrimoine doivent se conformer à de nombreuses dispositions réglementaires. C’est même une explosion de textes, de directives et de lois, notamment depuis que plusieurs crises économiques et financières ont ravivé les préoccupations croissantes de protection des consommateurs et de transparence.
Parmi les réglementations les plus structurantes figure la Directive sur la Distribution d'Assurances (DDA), entrée en vigueur en 2018, pour renforcer la protection du consommateur au moment de l'achat d'un produit d'assurance. De même, MIF2, également en vigueur depuis 2018, renforce la protection des investisseurs, améliore la transparence des marchés financiers et leur intégrité. Ces deux directives imposent des obligations accrues aux professionnels pour garantir que les produits qu’ils commercialisent et les conseils qu’ils prodiguent correspondent aux besoins et au profil des clients.
Parmi les multiples réglementations, on trouve également PRIIPs (Packaged Retail and Insurance-based Investment Products) concernant les produits d'investissement packagés d’assurance, le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), ou encore les dispositions pour lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ainsi que les normes environnementales et sociales ESG.
Un fardeau lourdement chronophage
« Du fait de cette inflation normative, les courtiers et les CGP ont l’impression de consacrer davantage de temps à se mettre en conformité qu’à s’occuper de leurs clients ! », constate Julien Houssemand, associé chez l’intermédiaire spécialisé Haussmann Fusac. Ils se doivent en effet de :
- Mettre en œuvre les exigences de transparence,
- Réaliser la collecte de besoins et d'attentes du client,
- Justifier l'offre de plusieurs propositions différentes,
- Mettre à jour les documents contractuels et de recueil client,
- Gérer les procédures KYC (Know Your Customer),
- Archiver et conserver les contrats et les documents clients pour les contrôles des autorités de tutelle (ACPR, AMF…),
- Sans oublier la formation continue et la veille indispensable !
Ce temps dédié aux tâches réglementaires peut représenter jusqu’à deux jours par semaine pour un professionnel qui travaille seul. Un volume difficilement compressible, car la non-conformité n'est pas sans conséquences concrètes. En cas de contrôle, les courtiers et les CGP risquent, au mieux, une amende ou une pénalité, et, au pire, une radiation, avec la perte du numéro ORIAS ou de l'agrément d'une compagnie d'assurance, empêchant l'exercice de la profession. Un exemple ? 10% des radiations de courtiers par l’Orias concernent un défaut d’assurance de responsabilité professionnelle (pourtant obligatoire)…
Bien s’équiper pour gérer la conformité réglementaire
Il faut donc intégrer cette inflation réglementaire dans la gestion des cabinets. Les plus grands disposent généralement d’un service dédié à ces tâches. Les plus petits ont plusieurs options. D’abord, s’équiper des bons outils informatiques (CRM, GED, stockage…) pour alléger les tâches chronophages, gérer les données, et ne rien oublier. Ensuite, il est possible d’externaliser tout ou partie de la gestion règlementaire, notamment en adhérant à un réseau (par exemple le groupement Magnacarta ) qui propose des services mutualisés. Pour l’effort de veille, on choisira l’affiliation à une chambre professionnelle qui propose des formations et des documentations à jour, ou de faire appel à des sociétés spécialisées. « Aller chercher l’information est un vrai travail, même si l’IA tend aujourd’hui à le faciliter », note Julien Houssemand. Enfin, rapprocher son cabinet d’un acteur mieux structuré pour gérer la conformité réglementaire peut aussi constituer une piste.
La conformité, un actif stratégique dans le cadre d’une cession
Quelle que soit l’approche retenue, l'état de la conformité d'un cabinet a un impact direct et important sur son niveau de valorisation en cas de cession, au même titre qu’une structure équilibrée du portefeuille de clients et une rentabilité suffisante. « C’est un signal fort de confiance à destination des acquéreurs », confirme Julien Houssemand.
C’est que pour les acheteurs, en effet, tout manquement entraînera du temps passé, de l'argent dépensé, et un risque qu’il faudra gérer après l’acquisition. Ils scrutent de près le modèle de conformité suivi. « Des ventes ont déjà été remises en cause parce que l'acquéreur potentiel préférait renoncer, face à de multiples non-conformités qui ont créé un doute quant à la qualité du dossier de cession », constate Julien Houssemand. Il met en exergue trois attitudes face à la complexité réglementaire : « Continuer à critiquer le poids excessif des obligations, cesser son activité ou, au contraire, prendre du recul et identifier comment la réglementation peut constituer une vraie source de création de valeur pour le cabinet. Autrement dit, la considérer non comme une dépense, mais comme un investissement ! »
« La conformité est créatrice de valeur » : si les professionnels conjuguent cette vision avec des moyens adaptés (internes ou externalisés), et la maîtrise des réglementations, alors la valorisation sera optimale lors d’une cession… qui interviendra nécessairement à court ou moyen terme.